La cloche du projet « Truth Telling, Community Dialogue and Human Right Educational Program » (Dire la vérité, Dialogue Communautaire et Education aux Droits de l’Homme » ) continue de sonner dans différents districts du Rwanda. Après le camp de Mahama à l’Est du pays, et Huye au Sud du pays, le Forum pour la mémoire vigilante, FMV, a organisé un troisième atelier d’échanges a l’intention de burundais réfugiés vivant à Muhanga, un des districts de la province du sud du Rwanda. Muhanga a accueilli une communauté de réfugié burundais d’une cinquantaine de familles depuis 2015. La session s’est tenue du 8 et 9 décembre courant et a rassemblé une vingtaine de réfugiés burundais.
Le projet « Truth Telling, Community Dialogue and Human Right Educational Program » (Dire la vérité, Dialogue Communautaire et Education aux Droits de l’Homme » ) s’inscrit dans la ligne droite de la mission essentielle du FMV à savoir l’éducation préventive contre les crimes et les conflits sociaux.
Le projet est financé par la “Coalition Internationale des Sites de Conscience”, un réseau mondial, Américain de plus de 350 sites historiques, musées et initiatives de mémoire qui préservent le passé pour lutter aujourd’hui pour la vérité et la justice transitionnelle.
D’après le chef du projet, Godefroid Sindayigaya, le monde des réfugiés doit « affronter leur histoire, parler des crises répétitives qu’a connu ou connait le Burundi et dont eux même sont victimes, tout en révélant la vérité des faits et les causes pour éviter des conséquences ».
Depuis le camp de réfugiés de Mahama jusqu’à Muhanga en passant par Huye au sud du Rwanda, l’objectif des ateliers de ce projet est d’échanger sur la vérité des différentes guerres qui ont secoué le Burundi afin de réconcilier les points de vue et permettre aux victimes un nouveau départ. Et en particulier celles qui se retrouvent actuellement en exile au Rwanda.
Pour éclairer et enrichir les débats, le docteur Alphonse Rugambarara, ancien homme politique du Burundi ayant occupé des hautes fonctions de l’Etat (Ministre, parlementaire et même prisonnier politique) a insisté sur la vérité ainsi que l’unité et la réconciliation nationales
« Tout le monde est conscient que jusqu’aujourd’hui, la réalité des faits des différentes crises qui ont secoué le Burundi a souvent été soit ignorée, soit tronquée, soit transformée, toujours pour servir les intérêts des uns et la diabolisation des autres. Ceci a plongé le pays dans un cercle vicieux de conflits armés et de vengeance, ceux-ci ayant pour conséquences, la paupérisation de la population burundaise, l’exile d’une partie de la population, un sentiment de suspicion perpétuelle entre les différentes personnes en raison de différentes appartenances socio-politique, chacun se posant en victime et voyant en l’autre son éventuel bourreau », a-t-il insisté.
Cet activiste des droits de l’homme, un des pionniers de la société civile burundaise dans la Ligue des Droits de l’Homme Iteka, ne mâche pas les mots sur le respect des droits de l’homme, la démocratie, la bonne gestion du pays, le respect des institutions et la bonne gouvernance. « Personne ne devrait subir des injustices ou poursuivi pour ce qu’il est, ce qu’il a dit, exprimé ou fait si les propos ou actes tenus ne sont pas contraires aux termes de la constitution du pays », déclarera-t-il.
Le second orateur, Docteur Denis Kazungu psychologue clinicien et psycho-pathologue est intervenu pour aider les participants à comprendre et à gérer les éventuelles conséquences désastreuses des traumatismes vécus.
En effet, plus que des biens matériels, les victimes perdent des êtres chers, des proches.
« Les événements qui ont secoué le pays ont polarisé la société burundaise. Cette polarisation amène chacun à se considérer comme la seule victime, l’autre groupe étant, selon lui le bourreau. Les uns et les autres acquièrent un profile de tueur éventuel, et personne ne cherche à comprendre les souffrances de l’autre », explique-t-il.
Selon ce psychologue, les proches des victimes s’enferment dans leur souffrance. « Ils n’ont pas le droit au deuil ni d’espace de parole. Les autorités étatiques ne tentent que des solutions superficielles sous forme de statistique, qui ne traitent que de la forme, sans pour autant entrer dans le fond du problème. Même les rebellions qui ont surgi n’ont pas servi de cris d’alarme au gestionnaire Etatique », a-t-il indiqué.
« Cette souffrance longtemps accumulée, sans reconnaissance ni considération, sans même le droit au deuil ni le droit à l’expression crée des frustrations, des révoltes qui poussent à des revendications qui peuvent même engendrer de actes de violence qui obligent l’autre à réagir », conclut-il.
Engagements…
Après exposition de l’état des faits, les participant déplorent chacun son degré de traumatismes subis. Tous ceux qui, au départ se croyaient saints reconnaissent que au moins une fois à un moment ou à un autre de leur histoire ont subi de tels traumatismes. Les participants ont ensuite discuté de la possibilité de guérir de ces traumatismes et des points saillant ont été dégagés.
« Un devoir de mémoire, permettre aux proches des victimes de faire leur deuil, de les commémorer, des leçons que chacun devrait tirer de certaines personnes qui ont fait preuve d’humanisme, des personnes qui, malgré les circonstances de guerre, se sont érigées en piliers de la paix au péril de leur vie, faire les bons choix et rompre avec ce cercle vicieux, décider de léguer les bonnes valeurs aux générations futures. Bref : la résilience effective », se sont-ils convenus à l’unanimité.
Quelque recommandations ont été émises…
« Organiser d’autres ateliers d’échanges, créer un centre d’assistance psychologiques au profit des victimes des traumatismes de guerres, organiser de tels ateliers à l’intention des jeunes adolescents en exile pour éradiquer chez eux le virus de la division et éviter qu’ils ne grandissent dans l’ignorance, organiser un autre atelier et inviter les personnes qui ont connu les problèmes identiques à ceux du Burundi en l’occurrence des Rwandais pour le partager de l’expérience, .. », lit-on dans le communiqué final de l’atelier de Muhanga.
Coïncidence ou non, l’atelier a été fait aussi en marge de la la journée dédiée à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 2023.
Pour le représentant légal du FMV, c’est un grand évènement pour le Forum pour la Mémoire Vigilante et la Coalition International des Sites de Conscience ICSC qui a financé le projet.
« La vérité constitue l’élément premier de la justice en matière de preuve. Le dialogue révèle les besoins et les désirs, et l’éducation sur les droits de l’homme vise à transmettre une culture universelle des droits de l’homme en inculquant les connaissances et les valeurs d’UBUNTU pour la recherche ou le maintien de la paix. Avec la vérité, le dialogue et l’éducation sur les droits de l’homme, on a la justice, on a la sécurité, on a tout ce qu’il faut comme droit à la vie, droit de l’être humain », précise Mr Ferdinand Ndayiragije.
Et d’ajouter : « Le projet en cours nous a permis de savoir que nous sommes des produits de notre histoire, que suite à l’aliénation culturelle, aux événements sanglants, génocide, crime de guerre, exclusion, division,…nous sommes devenus malades, nous sommes en train de nous faire soigner ».
Pour lui, « le partage d’expérience, dire la vérité, nous permettent de démentir, de déconstruire les préjugés, les fausses identités que la colonisation, les circonstances de notre histoire malheureuse nous ont inculqués ».
L’atelier de Muhanga est la 3è et avant dernière session dans la suite de l’exécution du projet « Truth Telling, Community Dialogue and Human Rights Educational Program ». La prochaine étape sera Kigali, la capitale Rwandaise qui renferme près de dix mille réfugiés burundais.
Le Forum pour la Mémoire Vigilante (FMV) est une organisation de droit rwandais, qui prend appui sur les valeurs de Mémoire, Éducation et Prévention. FMV est partenaire de la Coalition Internationale des Sites de conscience, une ONG Américaine fondée en 1999 et qui est le seul réseau mondial de Sites de Conscience présent dans plus de 65 pays dont le Rwanda.
Les deux organisations partagent un engagement commun à utiliser les leçons du passé pour trouver aujourd’hui des solutions innovantes aux problèmes de justice sociale connexes et de lutte contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les atrocités de tout genre.
Quelques photos des participants:
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