Le Marathon s’arrête à Kigali, la capitale rwandaise. Du camp de Mahama à l’Est du pays à Kigali, en passant par Huye et Muhanga au sud du pays, le flambeau de la vérité, du dialogue et du respect des droits humains aura touché près d’une centaine de jeunes, leaders communautaires et réfugiés dans les quatre coins du Rwanda.
Les 15 et 16 février derniers, le Forum pour la Mémoire Vigilante a donc animé sa dernière session, inscrite sur une liste de huit ateliers menés dans le cadre du projet « Truth Telling, Community Dialogue and Human Right Educational Program » (Dire la vérité, Dialogue Communautaire et Education aux Droits de l’Homme » ).
Ce dernier séminaire interactif était destiné aux réfugiés résidant à Kigali et Nyamata, un centre urbain situé à la périphérie de la capitale rwandaise.
« Il est plus qu’important d’échanger sur la vérité de l’histoire du Burundi dans la communauté des réfugiés burundais vivant au Rwanda. Nous voulons lutter contre tout esprit de vengeance au fur des générations », a recadré le chef du projet, Mr Godefroid Sindayigaya, comme pour lancer les débats, en quelque sorte houleux et inter-constructif.
Et pour enrichir les débats, Dr Alphonse Rugambarara, ancien homme politique du Burundi ayant occupé des hautes fonctions de l’Etat (Ministre, parlementaire et même prisonnier politique), artisan des accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation entre burundais en 2000, a insisté sur la vérité ainsi que l’unité et la réconciliation nationales.
Pour lui, trois aspects interviennent, à savoir:
Aliénation identitaire et ses conséquences…
Il a fait savoir que l’aliénation identitaire au Burundi peut se manifester de différentes manières, souvent en raison de tensions ethniques profondément enracinées entre les Hutus et les Tutsis, qui ont historiquement été les principales catégories sociales du pays.
Division entre nationaux…
L’une des principales formes d’aliénation identitaire au Burundi, remarque-t-il, est la division entre les Hutus et les Tutsis. « Cette division a été exacerbée par des facteurs historiques, politiques et socio-économiques, notamment la colonisation belge et les tensions post indépendance », se souvient-il.
Quid de l’impact sur le développement…
De surcroit, aborde-t-il, l’aliénation identitaire a entravé le développement socio-économique du pays en sapant la confiance intercommunautaire, en entravant la coopération et en décourageant les investissements nationaux et étrangers. « Les cycles de violence et d’instabilité qui en résultent ont également détourné les ressources qui pourraient autrement être investies dans des initiatives de développement », insiste l’historien Dr Alphonse Rugambarara.
En conclusion, bien que des progrès aient été réalisés dans la résolution des conflits au Burundi, des défis persistent en matière de consolidation de la paix, de réconciliation nationale et de développement socio-économique. « Un engagement continu de la part des Burundais, du gouvernement burundais, de la communauté internationale et de la société civile est nécessaire pour surmonter ces défis et établir une paix durable dans le pays », selon Rugambarara.
Approche psychologique de la compréhension du conflit Burundais
Le deuxième intervenant, le Dr Denis Kazungu, spécialiste en psychologie clinique et en psycho-pathologie, s’est de sa part exprimé pour aider les participants à appréhender et à gérer les éventuelles répercussions dévastatrices des traumatismes qu’ils ont vécus.
« Les événements qui ont secoué le pays ont engendré une division profonde au sein de la société burundaise. Cette division pousse chaque individu à se percevoir comme la seule victime, tandis que l’autre groupe est perçu comme le bourreau. Les deux camps se voient mutuellement comme des potentiels agresseurs, et personne ne s’efforce de comprendre les souffrances de l’autre», analyse-t-il.
Les mémoires collectives au Burundi peuvent être polarisées, chaque groupe ayant sa propre version de l’histoire et ses propres perceptions des responsabilités et des victimes.
« Ces divergences peuvent être exploitées politiquement et contribuer à perpétuer les tensions et les divisions au sein de la société », conclut-il.
L’importance du leadership…
Dans le processus de changement de mentalités, le leadership transformationnel joue un rôle important comme l’a souligné le chef de projet , Mr Sindayigaya.
«Chacun a tendance à s’attribuer le mérite de bonnes actions qui ont eu lieu, tendance à expliquer le comportement des autres en fonction de leur caractère ou de leur disposition», a-t-il estimé.
Et d’insister sur cinq solutions à l’erreur fondamental d’attribution.
« Soyez lent à juger, penser positivement, éviter les conclusions / décisions hâtives et rapides, ressentir le besoin de l’autre / agir avec patience et ainsi se mettre à la place de l’autre », a décrit Godefroid Sindayigaya.
Comment sortir de la spirale de la violence au Burundi?
Dans le contexte du Burundi, le psychologue Dr Denis Kazungu, rappelle que le conflit de mémoire fait référence aux différentes interprétations et récits historiques qui alimentent les tensions et les divisions au sein de la société.
Reconnaissance des souffrances passées: « Il est essentiel que toutes les parties reconnaissent et reconnaissent les souffrances et les injustices subies par toutes les communautés pendant les périodes de conflit. Cela peut se faire à travers des gestes symboliques tels que des excuses officielles, des commémorations et des monuments dédiés aux victimes. Il est impossible de sortir de ces conflits si on n’est pas à mesure de surpasser nos souffrances », conseille-t-il.
L’atelier de Kigali est mené par le Forum pour la Mémoire Vigilante (FMV), une organisation de droit rwandais, qui prend appui sur les valeurs de Mémoire, Éducation et Prévention. La session a marqué la fin du projet « Truth Telling, Community Dialogue and Human Right Educational Program » (Dire la vérité, Dialogue Communautaire et Éducation aux Droits de l’Homme » ). Ledit projet est financé par la Coalition Internationale des Sites de conscience, une ONG Américaine fondée en 1999 et qui est le seul réseau mondial de Sites de Conscience présent dans plus de 65 pays dont le Rwanda.
Quelques photos des participants:
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