Par Jean Claude Ndorere*

Quand on exhorte une Mémoire vigilante contre la haine, c’est pour prévenir contre ce genre de scènes choquantes comme ce qui s’est passé en Afrique du Sud.

Nous avons tous été choqués par les images en boucle sur les réseaux sociaux des scènes de violence des “extrémistes” Sud Africains contre les étrangers. Toute l’Afrique a été scandalisée par ces violences à l’extrême. Le monde civilisé est traumatisé par cette haine aveugle contre les étrangers.

Plusieurs médias Africains n’ont pas traité la question comme il le fallait. Nombreux sont ceux qui pensent que ce phénomène devrait être décortiqué comme le font les médias occidentaux pour analyser le terrorisme.

Il aurait fallu des éditions spéciales, des analyses, des débats continus pour discuter, essayer d’appeler les politiques, les personnalités importantes et les leaders religieux pour condamner.  On aurait voulu que les leaders d’opinion Sud Africains rendent hommage aux victimes, et demander pardon au nom des autres Sud Africains paisibles.

Tout le monde se souvient de la mobilisation du monde entier pour condamner les attentats de “Charlie Hebdo” et le célèbre marché de Paris contre le terrorisme et contre la haine. Qu’est-ce qui empêche les autorités Africaines à organiser des marches spontanées à l’échelle continentale pour manifester pour la paix, la tolérance?

https://www.cevaa.org/actualites/archives/2015/janvier/apres-lattaque-contre-charlie-hebdo-un-message-de-paix-et-desperance

Ce qui me choque le plus c’est que cette xénophobie poussée à outrance est répétitive en Afrique du Sud. J’ai peur que ce phénomène s’exporte ailleurs. Nombreux sont ceux qui disent que ces extrémistes haineux déshonorent Mandela qui, est jusqu’ici considéré par la personnalité Africaine de cette époque.  Mais, il faudra faire des actions concrètes pour la paix, la tolérance en mémoire de notre Icône.

Les réactions presque identiques  à travers le continent, un mal ajouté au mal.

Au Nigéria, pays dont les ressortissants sont parmi les plus ciblés, les réactions auraient été presque de la même violence n’eût été la vigilance de la police et des autorités. En RDC, il y a eu également des mouvements spontanés contre les intérêts Sud Africains….D’autres manifestations dans d’autres villes en Afrique ont été organisées, parfois avec des mots durs, avec des excès de langage qui appellent à tord à la vengeance contre tous les Sud Africains.

https://amp.rfi.fr/fr/afrique/20190905-violence-xenophobe-afrique-sud-nigeria-inquietude-etrangers

Il est donc incompréhensible que les gens condamnent des actes barbares et agissent de la même manière. Même si on peut être emmené à vouloir comprendre la réaction de réplique, ce n’est pas civilisé d’utiliser la même violence qui a choqué pour allonger la liste des victimes de la haine aveugle.

Les voies diplomatiques, les manifestations pacifiques et les boycotts des intérêts Sud Africains pourraient faire mieux l’affaire. Tuer les gens, brûler les entreprises qui pourraient avoir embauché les Nigérians ne fait que rendre plus chaotique la situation qui était pire.

L’Afrique est confrontée à plusieurs défis mais les réactions de violence doivent impérativement cesser. Il faut que l’Africain apprenne à résoudre les problèmes pacifiquement. Cela devrait commencer par une culture de la paix. Tout ce qui appelle à la haine détruit et devrait être interdit systématiquement.

Le dialogue, l’argumentaire doivent être privilégiés pour atténuer les tensions qui minent notre continent. Les politiques devraient d’abord veiller à ce que la haine ne déborde pas. Parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Et c’est possible.

La culture de la violence est entretenue par les politiques.

Il est difficile pour le peuple de respecter la vie et l’intégrité physique d’autrui quand la plupart de gouvernants n’ont que la force pour résoudre tout différend dans une société. Les Africains sont habitués aux scènes de violence que ça devient un mode opératoire même chez le peuple.

En Afrique les opposants politiques et les groupes de pression sont souvent réprimés avec une violence extrême pour les réduire en silence. Et cela ne fait que attiser la haine.

Etonnamment, quand les partenaires Européens, qui sont avancés en matière de libertés appellent au calme, pour le respect à la vie des compatriotes, nos dirigeants Africains sortent les longues griffes pour s’attaquer à tous ceux qui les appellent à la raison. Ils sont sur la défensive et évoquent la souveraineté nationale, une notion qui fait surface seulement quand on leur rappelle à la responsabilité.

Ce qui les intéresse n’est pas la vie de concitoyens, la préoccupation devient plutôt une affaire d’indépendance.. Et quand les partenaires insistent, nos très chers « leaders patriotes indépendants » évoquent la déstabilisation de leurs pays par ces étrangers. Donc, selon cette réalité Africaine, le patriotisme et la souveraineté sont dissociés du peuple.

Pourquoi on insiste sur la notion de liberté?

C’est parce que la liberté politique donne droit au débat, à l’argumentaire. Elle donne une bonne occasion de faire bouger les lignes pour changer les choses sans causer trop de dégâts. Les gens doivent apprendre à raisonner, à voir la réalité en face et à ne pas tomber dans la simplicité et dans la manipulation.

Le désordre politique causé par l’obsession de la monopole occasionne des solutions de simplicité. On évite de parler des vrais problèmes. On ne veut pas étudier les vraies causes pour en proposer des solutions efficaces, mais on fabrique des bouc-émissaires pour faire porter le chapeau. Si le peuple n’est pas bien informé et bien encadré, il assimile vite cette solution simplifiée. Et bonjour les dégâts.

La xénophobie qui fait honte à l’Afrique du Sud et à toute l’Afrique n’est pas différente de la haine dirigée contre les communautés vivant sur le territoire Africain. Tout le monde est choqué de ce qui est arrivé en Afrique du Sud, tant mieux d’ailleurs parce que le contraire serait pire.

Cependant, je suis étonné du silence presque total partout en Afrique quand les gens se font torturés, violés, tués, jetés dans des fausses communes ou des rivières pour leurs idées politiques ou pour leur appartenance ethnique.

Les crimes contre humanité qui se commettent dans plusieurs pays Africains, actuellement au Burundi ne semblent choquer personne. Le fait qu’elles sont perpétrés par le pouvoir qui devrait protéger le peuple devrait pourtant être plus révoltant. Les violences intercommunautaires qui se commettent en Afrique de l’Ouest, en RDC et ailleurs semblent ne pas faire trop de bruit. L’idéologie de la haine contre les Tutsi qui a fait de l’innommable au Rwanda et qui sévit au Burundi et dans la région des grands Lacs n’alerte pas toute l’Afrique.

https://www.aa.com.tr/fr/afrique/burundi-droits-de-l-homme-nouveau-rapport-accablant-de-lonu/1247141#

https://www.aa.com.tr/fr/afrique/rdc-une-centaine-de-mort-dans-des-violences-inter-communautaires-dans-le-nord-est-/1505187

En Érythrée, l’enfer que le peuple vit depuis des dizaines ne choque pas autant les responsables de la confédération Africaine. Certains de nos leaders Africains sont même fiers d’évoquer la fameuse souveraineté nationale d’écraser leurs « ennemis ».

https://www.hrw.org/fr/news/2018/04/27/situation-des-droits-humains-en-erythree

https://www.jeuneafrique.com/332181/societe/erythree-viols-castrations-noyades-lonu-denonce-lenfer-regime-disaias-afewerki/

Toutes ces violences sont le résultat d’un manque de culture de tolérance et de la véritable paix. Quand les gens n’apprennent pas à partager, à dialoguer, à argumenter, la seule voie qui reste est celle des arguments de la force.

Apprendre à écouter pour aider, à parler des problèmes, à raisonner, bref à communiquer comme le font quand même certains responsables Africains devrait limiter les casses d’une société Africaine habituée à la violence.

Si certains leaders politiques Africains continuent à entretenir des discours de la haine par des mensonges visant à flatter leurs bases électorales, nous allons nous habituer à ces scènes horribles!

* Jean Claude Ndorere est communicateur de formation. Il est actuellement journaliste et analyste indépendant. Il a une expérience de plus de 15 ans dans le domaine de médias et de plaidoyer communautaire. Il a travaillé plus de 8 ans comme communicateur et journaliste communautaire dans plusieurs projets de plaidoyer et de communication. Il est aussi activiste dans la défense des droits humains et dans la lutte contre la haine et l’idéologie de génocide.

One thought on “Une Mémoire vigilante contre la haine…”

  1. Il faut combattre la haine sous toutes ses formes. En tout cas nos différences ne devraient constituer un sujet de discorde pour nous.

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