Durant la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, le Forum pour la Mémoire Vigilante a organisé des séances de sensibilisation sur la lutte contre les grossesses non désirées à l’endroit des filles réfugiées burundaises. L’atelier qui s’est tenu en Novembre dernier à Muhanga, un des districts de la province du Sud du Rwanda a réuni une vingtaine de fille-mères burundaises et quelques rwandaises. Cinq districts ont été  représentés.

Il s’est révélé que a été que  que avoir une grossesse non désirée à l’âge de l’adolescence est un fardeau qui handicape l’avenir des filles-mères qui se nomment affectueusement des mères célibataires. Tel est le constat qui ressort de cet atelier de conscientisation et de relèvement communautaire des filles qui ont enduré cette situation.

Témoignages accablants.

Clarisse, réfugiée burundaise, a accouché à l’âge de la puberté, en terre d’exil, le Rwanda. Pourtant, elle apparait plus que déterminée pour continuer à gagner sa future vie et celle de son enfant.

“J’avais 14 ans quand j’ai mis au monde. Je ne savais pas m’y prendre comme parent car moi aussi j’avais encore besoin de l’éducation. Je ne savais pas comment donner une affection à mon enfant car moi aussi j’avais encore besoin de cet amour parentale. J’ai été chassée de chez moi et de la chorale, la société et l’entourage m’ont rejeté,  je ne savais pas quoi faire. J’ai arrêté mes études et tout a affecté mon enfant car j’ai accouché d’une façon prématurée”

Sa compatriote, Eliane, souriante, renchérit qu’il n’est pas question de se laisser abandonner à elle seule. Elle aussi a un enfant d’au moins cinq ans. Elle se rappelle des causes et conséquences de ce qu’elle décrit comme un chemin de la croix.

“La cause principale des grossesses non désirées est la pauvreté. Il y a aussi le statut de réfugié, l’abus sexuel au niveau scolaire ou au milieu de travail ou même l’abus de l’amour pour des faveurs empoisonnées. Les conséquences sont le rejet dans la société, avec un amalgame de noms collés sur moi: une prostituée, une mal éduquée, une délinquante et tout consorts, qui nous blessent encore plus, alors que peut être c’est un accident de la vie”.

Se developer et avancer, c’est possible à en croire Adrienne qui a dû abandonner ses études secondaires après avoir eu une grossesse non désirée. Pour le moment, la rwandaise tient un petit commerce pour gagner sa vie.

“J’ai supplié à mon père pour me donner ne fut-ce que un billet de 5mille francs car je me disais que même si j’ai abandonné mes études secondaires, cela ne signifie pas que c’est la fin du monde. Avec cette petite somme, je me suis lancée dans le commerce ambulant de légumes et de fruits. Et par semaine je parvenais à économiser 500 francs ou encore 1000 francs que j’épargnais dans deux groupes de tontines. Cela m’a permis d’agrandir mon commerce et je m’apprête à avoir un stand au marché central du district. Et je fais vivre et prend en charge mon enfant qui est en deuxième année primaire pour le moment. Je conseille à des filles comme moi de ne plus perdre espoir”.

Le dilemme surmonté par Adrienne a raisonné plusieurs fois chez Aline, cette autre jeune fille burundaise, qui a failli se suicider après avoir été engrossée à 19 ans, en terre d’exile, sans famille ni parenté.

“En tant qu’enfant, seule, non accompagnée en exil, j’ai failli me donner la mort quand j’ai su que je suis enceinte à 19 ans. J’ai voulu aussi avorter car celui qui m’a engrossé ne l’a pas reconnu. Mais par peur de mourrir et grâce aux conseils des autres j’ai pu résister. Je conseille aux filles de mon âge de ne pas faire des rapports sexuels avant le mariage ou du moins étant encore sur le banc de l’école. Le meilleur est à venir, qu’elles s’abstiennent pour ne pas tomber dans des pièges”.

Bella, sa compatriote, réfugiée, qui est à sa troisième enfant dont des jumeaux, rappelle que l’enfant né dans ces conditions doit aussi jouir de la vie.

“L’enfant n’y est pour rien. Il doit être bien pris en charge, éduqué et aimé. Quand on l’a pas tué prématurément, on doit bien la garder et éviter qu’il soit frustré car ce n’est pas lui qui a choisi de naitre dans ces conditions”.

Cette vie force des filles qui ont eu des grossesses non désirées à penser jusqu’au pire. Mais Clarisse et Suavis ont des conseils pertinents.

“La source de mon moral est justement cet enfant. Chaque fois que je me réveille et je le regarde, je me dis qu’il doit bien vivre, heureux plus que moi, il doit faire des études que j’ai pas pu faire. Je demande aux parents, à la société, à la communauté et à l’administration de ne plus nous sous-estimer, nous et nos chers enfants. Quand a moi je me sens interpellée à aider des filles de cette catégorie, leurs donner des conseils et des témoignages réconfortants”

Une vie sauvée

Grâce à ce genre de rencontre et conseil, une des fille-mères a décidé de changer d’avis alors qu’elle voulait se débarrasser de la troisième grosse qu’elle détient.

“J’ai contracté la première grossesse disons par accident. Pour le deuxième enfant, c’était la pauvreté, quelqu’un m’a promis des merveilles. Et voila pour la troisième. Vraiment j’avais planifié d’avorter ou à abandonner mon enfant une fois né. Mais à entendre les témoignages des autres, je suis réconfortée et je vais accoucher et élever mon enfant. Dieu Merci pour cet atelier. Mon enfant vient d’être sauvé”.

La nouvelle sonne comme pour agrémenter la récréation de l’atelier. En tout cas, Agnes, parent, la soixantaine conseille à des parents de ne jamais maltraiter des filles qui sont tombées dans le piège de grossesses non désirées et leur recommande plutôt de changer de mentalités pour ne plus discriminer ou stigmatiser ces fille-mères.

“Je suis vraiment choquée d’entendre qu’il y a encore des parents qui maltraitent leurs filles qui ont accouché à l’âge de l’adolescence. De telles conditions poussent leurs filles a gâcher leurs vies dans la débauche. Qu’ils changent de comportement car les causes des grossesses non désirées peuvent être explicables et tolérées par un parent, même en cas contraire, le parent est le premier à réconforter sa fille. Vos témoignages sont vibrants et doivent changer le monde. Mais les filles doivent aussi être responsable d’elles mêmes pour veiller à ne pas tomber enceinte à l’âge de ‘adolescence. Soyez des ambassadeurs pour réconforter celles qui en sont déjà victimes”.

Elles ont aussi besoin des séances d’entrepreneuriat pour savoir comment se prendre en charge et monter de petits commerces.

Madame Esterie, accompagne ce genre de groupes pour commencer des activités génératrices de revenus avec un petit capital.

“Les filles-mères sont des personnes comme les autres. Elles ont une chance de bien vivre et se developer. Avec un petit capital, elles peuvent se relever et décoller. Elles doivent se lancer dans des activités génératrices de revenus au lieu de s’adonner à la débauche. La vie continue et les opportunités sont toujours la. Elles doivent être responsables et inspirer confiance. L’essentiel est d’avoir une bonne vision pour aller de l’avant”.

Le Forum pour la Mémoire Vigilante, qui mène ce projet en collaboration avec la Coalition Internationale des Sites de Consciences, se réjouit qu’il y a une vie ou plutôt des vies sauvés à travers ces séances de sensibilisations. Ferdinand Ndayiragije, représentant légal du FMV n’en revient pas.

“Il est question de sauver la vie de ces filles mères et de leurs enfants. C’est en fait une famille de deux ou plusieurs personnes. Et donc le calvaire psycho-traumatique qu’endurent ces mères célibataires est partagé avec l’enfant et ce dernier en subit des conséquences néfastes. Raison pour laquelle nous au niveau du FMV et de notre partenaire la Coalition Internationale des Sites de Consciences, nous voulons créer de l’espoir dans ce genre de filles pour éviter aussi que les enfants issus des grossesses non désirées ne développent pas de mauvais comportement à cause du désespoir de leurs mères, adolescentes soient-elles”

 

Ces deux ONGs Internationales veulent mobiliser aussi les membres de la communauté et les parents des filles-mères pour ne plus les discriminer.

Comme pour manifester que le moral est relevé, ces mères célibataires comme elles se surnomment, se plongent dans une ambiance bon enfant.

Elles s’engagent plutôt à être des ambassadeurs dans leurs communautés pour lutter contre les grossesses non désirées à l’âge de l’adolescence mais aussi pour relever le moral de celles qui sont déjà tombées dans cette situation.

A l’heure où nous mettons sous presse, nous apprenons que la fille-mère qui a changé d’avis a miraculeusement mis au monde.

“C’est un fruit du projet que nous avons mené avec la Coalition Internationale des Sites de Consciences. C’est notre enfant. Nous l’avons même donné un nom: Mahoro, qui signifie la paix. Nous comptons suivre aussi les premiers pas du nouveau”, a réagi Ferdinand Ndayiragije, représentant légal du FMV.

Synergie

Vendredi, pour clôturer la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, la Coalition Internationale des Sites de Conscience, a organisé un webinaire régional africain à cet effet. Il est ressorti que ce combat nécessite la conjugaison des efforts des jeunes, des hommes, des femmes, des décideurs politiques, de la société civile et des acteurs non étatiques pour arriver au bon port.

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